• Envolée des Livres

    Je serais présent sur le salon samedi et dimanche toute la journée... Pour présenter "Mortelle Envolée" bien sûr !

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  • Mon bien cher Léonard

    (Image :Musée du Louvre )

     

    Depuis de longs mois déjà je projette l’écriture de cette lettre. Hélas, le temps passe, je me disais chaque matin demain, je lui écrirai demain, et demain aussi passait.

     Les années qui défilent (les siècles devrais-je dire), loin de me faire oublier, loin même de seulement évaporer mes souvenirs dans une brume trouble, me font regretter amèrement ces journées bénies que nous avons partagées.

     L’ennui œuvre sur moi comme un analgésique puissant. Il y a longtemps que je ne pleure plus. Une autre conséquence de cet ennui qui peuple mes jours à la manière du sable le désert, est que je me sens devenir sans volonté, sans désir. Pas tout a fait morte, mais pas tout a fait vivante non plus. Vois-tu, il se peut que sous mon allure impavide je souffre un peu de neurasthénie ou de mélancolie. Tu me connais, j’ai toujours refusé de consulter, là-dessus je n’ai pas changé ! Et quand le conservateur m’y oblige, l’équipe médicale ne s’occupe que de mon apparence extérieure. La couleur de ma peau, mes rides naissantes. Ils s’inquiètent de savoir si mes lèvres ne gercent pas, si ma chevelure demeure soyeuse. Ils se préoccupent de mes vêtements, si si, je t’assure ! Ils prennent soin de mon voile, vérifient mon drapé ! Mais de mon âme, qui s’en soucie ?

     Pardon mon cher Léonard de me plaindre ainsi. Après tout, j’ai de la visite, à mon âge beaucoup s’en contenteraient. On vient de loin pour me voir, de très loin, parfois de l’autre bout du monde ! Je suis devenue une célébrité ! Chaque jour des cars par dizaines déversent une foule d’admirateurs tout émoustillés à l’idée d’enfin me voir. Tu vois, je parle comme une rock star, je suis sûre que jamais tu n’aurais imaginé ça… Hélas, la vérité est que mes admirateurs se font rares. J’ai des visites par milliers, c’est vrai. Veux-tu que je te dise ? Chaque jour, dès neuf heures du matin, c’est une forêt de bras qui se lèvent devant moi. Et ce n’est pas pour m’acclamer. Non, c’est juste pour faire des abominables selfies. Oui, ces dizaines de milliers de visiteurs qui pour certains ont traversé l’océan ne veulent que se prendre en photo devant moi… Crois-moi, le spectacle est affligeant. Dans la salle c’est la foire d’empoigne, tous les coups sont permis pour se rapprocher et prendre le « meilleur » cliché. J’ai des visites, mais des dos et des bras levés n’ont guère de conversation. Alors…

     De temps en temps une admiratrice, un admirateur, de la trempe des véritables, entre dans la salle, ému, timide de se trouver là, plus près de moi qu’elle ou il ne le rêvait. Rebutés par la forêt de bras qui nous sépare, ils repartent généralement sans avoir oser l’affronter. Sans avoir osé se rapprocher.

     Je te l’ai dit, c’est affligeant…

     Tu vois, mes journées sont bien remplies ! Et puis il y a les nuits. Elles sont ici d’un silence de cathédrale, rythmées par les rondes des gardiens. Pas un qui, en traversant la salle, ne coule sur moi un regard. Bien souvent ils me jettent le faisceau de leur lampe torche en pleine face et ma nuit est hachée par ces éblouissements soudain.

     Heureusement il y a Bruno. Lui prend garde, m’éclaire en indirect. Il marque toujours un temps d’arrêt devant moi. Ô, quelques secondes seulement, il a sa ronde à finir. Mais dans ses yeux je lis sa bienveillance…

     La même qui habitait  les regards dont tu me couvais pendant nos longues séances de pose…

     Si tu savais combien ces instants d’intense intimité me manquent…

     Et toi aussi tu me manques, Léonard.

     

    Ta Mona

     

     ©Pierre Mangin 2022

     

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  • (Image : Nennieinszweidrei Pixabay)

     Comment a-t-elle pu oser… Comment a-t-elle pu seulement avoir l’idée de débaucher mon Mamour ? Et lui, que lui trouve t-il ? Ô rien, j’en suis certaine. Une paire de lolos à rendre jaloux Romulus et Remus, un popotin qu’elle remue à longueur de trottoir comme un appel au sexe. Pour le reste, rien ! D’ailleurs mon Mamour, ce n’est pas de sa faute. Pôv’chéri ! C’est elle la coupable ! Elle seule ! Et c’est elle qui va payer. Au prix fort encore !

    Demain je mange des bananes et je dispose les peaux dans son escalier. Ah ça ! Ça va lui faire tout drôle… Sûr que son derrière elle le remuera moins ! Bien contente si elle arrive à le traîner. Et puis non, je ne peux pas faire ça. Dès fois que ce soit la vieille du quatrième qui descende en premier. Les vieux ça se lève tôt, faut que je me méfie. Déjà qu’elle est brinquebalante, la pauvre, je ne peux pas prendre le risque.

    Quand je pense qu’elle est venue roucouler jusque sous mes fenêtres ! Quel toupet ! Madame se prend pour une Castafiore, madame croit qu’elle sait chanter ! Tu parles ! Son chant c’est crécelle et compagnie. Ah mais je vais lui couper le sifflet moi, lui couper l’envie de roucouler autour de mon Mamour.

    Pôv’chéri ! Il est si candide, si innocent. Il n’a rien vu venir ! Pour sûr, il ne soupçonne pas le mal ! Tandis que l’autre, là, elle sait bien ce qu’elle fait avec ses yeux en amande et ses regards de braise. Une traînée ! Voilà ce qu’elle est ! Elle n’aurait jamais dû s’attaquer à mon Mamour ! Jamais ! Fatale erreur madame Touslesmâlescraquentpourmoi. Fatale erreur ! Je vais te faire regretter d’avoir fricoté avec mon Mamour. Pôv’chéri !

    Je vais l’empoisonner. Un peu de cyanure dans son petit déjeuner. Bonne idée ça ! Quelques gouttes dans son bol de lait qu’elle sirote ostensiblement sur sa terrasse tous les matins à onze heures, en prenant ses airs de mijaurée. Parce que madame a des nuits agitées, madame a des nuits torrides, madame fait la grasse matinée… Je m’en vais lui concocter un petit bouillon de onze heures à cette garce !

    Et si je mettais de la mort aux rats dans son repas ? C’est bien ça la mort aux rats. On croira à un accident. C’est si vite arrivé de se tromper de bocal et de mettre de la mort aux rats dans le haché à la place du persil !

    C’est décidé, demain j’achète de la mort aux rats. En plus il paraît qu’on meurt dans d’atroces souffrances. C’est bien ça. Le ventre tout sanguinolent à l’intérieur. Le ventre en feu, déchiré par mille blessures purulentes. Ça lui fera les pieds à madame C’estmoilaplusbelle. Elle sera bien moins belle quand elle se tordra de souffrances sans comprendre ce qui lui arrive. Ah ! J’en ris d’avance ! J’espère que je pourrai assister au spectacle, c’est pas si souvent qu’on a l’occasion de rigoler comme ça ! Oui, c’est bien ça la mort aux rats.

    Je vais te venger mon Mamour ! Pôv’chéri, elle t’a fait du mal cette catin de quartier. Toi qui aimes bien faire ta petite balade digestive le soir, sans jamais penser à mal, il a fallu que tu tombes sur elle, il a fallu qu’elle t’alpague cette sangsue. Pôv’chéri, quand je t’ai vu revenir à trois heures du matin, harassé, titubant, le poil hirsute, je me suis promis de te venger.

    Pôv’chéri ! Heureusement Maman est là. Quand elle aura mangé sa mort aux rats tu pourras dormir tranquille mon Mamour. En plus elle se croit racée ! Une vulgaire chatte de gouttière qu’elle est, rien de plus ! Alors que toi tu es un si gentil minou mon Mamour.  Pôv’chéri !

    ©Pierre Mangin 2022

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