• Ce Matin les oiseaux n'ont pas chanté

     

    Ce Matin les oiseaux n'ont pas chanté

    Ce matin les oiseaux n’ont pas chanté.

    J’ai dormi en laissant toutes les fenêtres ouvertes. J’espérais que la fraîcheur de la nuit serait profitable. La nuit est passée sans fraîcheur…

    Les premières lueurs de l’aube ont blanchi le ciel et m’ont sorti de mon sommeil poisseux.

    À peine les yeux ouverts l’incongruité de la chose m’a sauté à l’esprit : les oiseaux ne chantaient pas.

    Je me suis assis dans le lit, au-dessus des draps, l’oreille aux aguets.

    Une goutte de sueur a roulé de mon torse jusque sur mon ventre avant de s’évaporer. D’autres ont perlé. De mon front, de mes bras. La moiteur et la peur.

    Ce matin les oiseaux n’ont pas chanté.

    J’ai attendu ainsi, perclus d’angoisse. Ce matin les oiseaux n’ont pas chanté. Le silence était terrifiant. Ce que je croyais être le silence, celui que je chéris tant, n’est pas le silence. Ce que je croyais être le silence est une musique douce. Le vent, les fuites précipitées dans l’herbe, le bourdonnement des insectes, le frou-frou du vol des oiseaux. Et leurs chants.

    Ce matin ils n’ont pas chanté.

    Ce silence fait naître en moi une peur sourde, incontrôlable, animale.

    Finalement je me suis levé. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Sa brûlure se répandait partout sur la campagne, sur les maisons, sur tous les êtres vivants. L’été est encore loin, pourtant la chaleur est déjà implacable. Elle terrasse sans distinction. Il m’aurait fallu fermer les fenêtres, les volets, tirer les rideaux, me protéger de la fournaise. Le silence et le noir, j’ai eu peur de ne pas survivre.

    Depuis plusieurs semaines je ramasse dans le jardin des oiseaux morts. Un couple de mésanges d’abord. Puis un merle à bec jaune, plusieurs corneilles, le vieux pigeon solitaire qui avait élu domicile dans l’érable, une pie… Tous foudroyés en plein vol par les flèches ardentes du soleil.

    Ce matin les oiseaux n’ont pas chanté.

    Les insectes ont disparu, les rivières ne charrient plus d’eau, les étangs de la Brenne sont asséchés. Le soleil ne se contente pas de brûler. Il évapore.

    Je sais pourquoi ce matin les oiseaux n’ont pas chanté.

    Il n’y en a plus.

    Nous n’entendrons plus leurs chants.

    Et j’ai peur.

    ©Pierre Mangin 2023

     

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