• Le Vent

    C’était comme un vent. Une bise venue du Levant.

    Une bise glaçante, acérée. Une bise qui soufflait la mort, la peur, la désolation.

    Et le vent a forci. Il a gonflé ses voiles pour parcourir le monde.

    Il ne se cachait plus, ne dissimulait plus son impitoyable malveillance.

    Au mépris des frontières, au mépris des océans, il parcourait la terre, balayait les continents, laissant derrière lui des villes fantômes.

    Les grands de ce monde se réunissaient. Fermaient leurs frontières. Mais que peut une frontière contre un vent cruel et fourbe ?

    Les grands de ce monde gesticulaient.

    Et puis ils ont compris.

    Alors ils ont dit.

    Alors ils ont dit on arrête tout.

    On ferme tout.

    Ils ont dit stop. Stop, ne gardons que l’essentiel.

    Ils ont dit restons chez nous. Ils ont dit restez chez vous.

    Les unes après les autres les villes se sont tues. Les campagnes se sont assoupies.

    Alors le vent a cogné contre les portes closes. Alors le vent s’est insinué dans les interstices.

    Le vent réclamait sa dose d’hommes. Sa dose de femmes.

    Le vent réclamait sa dose de mères, de pères, d’enfants, de sœurs, de frères…

    Le vent s’est mis à souffler si fort qu’il a fallu sortir les malades des hôpitaux. Pour y faire entrer d’autres, qui arrivaient toujours plus nombreux.

    Les grands de ce monde disaient ce n’est pas juste. Il n’y a pas eu de déclaration de guerre. Les conventions de Genève ne sont pas respectées.

    Le vent se fichait des conventions. Le vent poursuivait son œuvre, sautant d’un continent à l’autre, jouant à saute-mouton avec les mers et les montagnes…

    Alors des femmes, des hommes vêtus de blouses blanches sont partis sur le front. Comme avant eux leurs aïeux, on les a envoyés en première ligne, sans trop savoir combien allaient tomber. Sans trop savoir comment lutter contre la violence aveugle de ce vent qui ne respectait rien. Ambulanciers, infirmières, infirmiers, brancardiers, médecins, aide soignant… Ils n’ont pas regimbé. D’un pas décidé à défaut d’être joyeux ils sont partis se battre.

    Ils n’avaient pas toujours le matériel pour se protéger de l’ennemi. Ils y sont allés quand même.

    Comme leurs aïeux envoyés sur les champs de bataille des dernières guerres, ils savaient que tous n’en reviendraient pas…

                                                                                  ©Pierre Mangin 2020

     

     

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