• La Malédiction du rossignol Episode 1

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     Il est communément admis que le rossignol est l’oiseau de l’amour, que s’il chante la nuit, c’est pour mieux bercer les amoureux qui trouvent l’intimité de la nuit propice aux embrassades et autres roucoulades. Ce que l’on sait moins, c’est que l’oiseau n’a pas toujours égayé la nuit de ses trilles romantiques. Rien d’ailleurs ne le prédestinait à ces aubades nocturnes. Ne lui racontez pas ce que je vais vous révéler : le rossignol n’apprécie guère qu’on lui rappelle ce qui, au fond, est un mauvais souvenir de sa vie d’oiseau…

     

     

     C’était il y a longtemps, très longtemps. Au temps ou les voitures étaient tirées par des chevaux, au temps où les paysans labouraient leurs champs avec l’aide des bœufs… au temps où les galants ne pouvaient convoquer une armée d’émoticones pour palier la pauvreté de leur langage.

     Thibault était un jeune homme de figure agréable, aux manières élégantes, affligé d’un verbe maladroit. Fils d’un marchand de tissus, plus d’une demoiselle le regardaient en minaudant.

     Alors que nombre de ses camarades se vantaient des filles troussées à l’occasion des fêtes de village ou des grandes foires de printemps, Thibault n’avait aucune aventure de ce genre à raconter. Son cœur ne battait que pour Bertille, la fille d’un riche maquignon qui habitait en lisière de la forêt des Trois Fouineaux. Dix fois, cent fois, Thibault s’était dit, c’est aujourd’hui, aujourd’hui que j’annonce à Bertille combien je l’aime. C’est aujourd’hui que je lui avoue tout ce que mon cœur ressent pour elle, tout ce que mon âme espère. Dix fois, cent fois, Thibault essaya. Dix fois, cent fois Thibault renonça, incapable d’aligner trois mots cohérents de suite devant Bertille.

     Elle qui trouvait Thibault à son goût pleurait souvent en secret, se demandant si celui qu’elle aimait n’était pas idiot…

     

     

     Un jour que Thibault traversait la forêt pour se rendre chez Bertille et tenter une énième fois de lui déclarer sa flamme, il tomba nez à nez avec un rossignol vocalisant sur la plus basse branche d’un chêne.

     Car oui, à l’époque dont je vous parle, le rossignol ne chantait pas la nuit, mais le jour ! La nuit il faisait comme bon nombre d’oiseaux, il dormait et il ne lui serait jamais venu l’idée de chanter !

     

     

     — Ah rossignol ! s’écria Thibault, tu as le cœur à chanter, moi je ne l’ai pas.

     Le rossignol qui s’apprêtait à tenter une roulade en si bémol, arrêta son exercice.

     — Hé bien ! que t’arrive t-il donc ?

     — Hélas, je suis amoureux…

     

     

     Le rossignol effectua une petite montée de gamme très rapide.

     

     

     — Tu es amoureux ! Mais cela devrait au contraire te donner l’envie de chanter. On dit même que cela donne des ailes, en suivant l’élan de ton cœur tu pourrais devenir aussi léger que moi !

     — Hélas, trois fois hélas. Je suis mortifié… Je ne sais comment faire, je ne sais comment on aime… Je ne sais même pas comment exprimer mon amour…

     

     

     Le rossignol prit le temps de la réflexion.

     

     

     — Veux-tu que je t’apprenne à aimer ?

     

     

     À ces mots le cœur de Thibault se gonfla d’espoir.

     

     

     — Tu ferais ça pour moi ? Merci rossignol, merci mille fois !

     — Aimer n’est pas bien difficile. Pour commencer il faut aller voir la belle souvent, et lui dire la belle je serai votre amant.

     — Chaque jour je rends visite à Bertille… Pour ce qui est de lui parler, misère, je n’y arrive pas ! Et c’est là tout mon drame.

     — Ce n’est pas bien grave non plus. Si tu ne peux lui parler, alors montre-lui ta flamme avec des cadeaux. Les belles aiment les cadeaux.

     — Ça c’est une bonne idée ! se réjouit Thibault. Mais quels cadeaux ? Elle est la fille du plus riche maquignon du canton, elle a tout ce qu’il faut. Oh, je sais ! Mon père possède les plus beaux tissus de tout le pays. Je vais lui offrir la plus magnifique pièce de soie dans laquelle elle pourra se tailler des robes que ne renierait pas la plus exigeante des princesses !

     — Tu n’y es pas mon ami, tu n’y es pas du tout. N’importe quel galant pourrait lui offrir des tissus, des foulards et toutes sortes de colifichets. Non, si tu veux être de ta belle aimé en retour, tu dois te distinguer, lui montrer que tu es unique en lui offrant le plus extraordinaire des présents. Tiens, j’ai une idée ! Apporte-lui la Lune, le Soleil à la main, et elle t’aimera comme jamais une belle n’a aimé un galant !

     

     

    Sans perdre un instant, Thibault se mit en quête de la Lune et du Soleil…

     

    ©Pierre Mangin 2023

     

     

     

     

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